lundi 24 mars 2008

LA SOUFRIÈRE DE LA GUADELOUPE










Orange rouge jaune violet
Bougainvillées tôles rouillées toits de guingois


Jaillissement des palmiers au soleil-Roi


Indigo mer


 vibrations d’argent souvenirs de galions et d’or de voiles et de claquements de tonnerre




Trois tours de béton
étals de fruits-pays sous la halle de fer
tissus fleuris au kilomètre enroulés déroulés
et l’air sent la bagasse douceâtre les moulins ont perdu leurs ailes depuis longtemps pour autant qu’ils en aient eues un jour! Les moulins à sucre de pierres taillées coiffés de feuillages et les cases de bois en troupes montant bariolées aux flancs des mornes
En bas s’étirent les Grands Fonds des Matignon
Entre les deux Mamelles montagnes sur l’immense écran bleu lavande toute la forêt-mère de feuilles
de branches
de palmes
de fleurs






Troncs et l’arbre a pour nom gommier
bois-côtelette
bois-bander
Que sais-je encore ? Piliers jaillis de l’humide et pourvus de racines apparentes tortueuses millions de serpents immobiles entremêlés anacondas et pythons cordes nœuds et rubans
Les arbres les plus grands sont pourvus de renforts comme murs de cathédrales
Grimace tout à coup tout un peuple de gargouilles épiphytes aux branches suspendues fougères aux longues feuilles luisantes
Sous-bois de gouttes d’eau et de bâtons épineux
Inquiétantes muqueuses fleurs et bâtons épineux l’argile rouge colle à la semelle Odeur d’humus et de mort
Oreilles d’éléphants et autres feuilles géantes lucioles toute la nuit et l’orchestre doux de cascades
de grillons
de graviers
d’oiseaux inconnus aux trois notes
de l’accord parfait














GROS-KA ! quelque part là-bas
battu au rythme du pouls de la Vie
partout ces yeux ces cris
à qui sont-ils ?
D’où venues ces flammes dans les cannes courant à Noël passé
annonçant la coupe et la course des chiens chassant les mangoustes
et les Titi-racoon sous les feuilles longues aiguës comme des sabres ?










*














Un grand homme Maire et Président
géant les bras levés
les joues luisantes de sueur
applaudi par une foule superbe


Des fonctionnaires prennent des notes et parlant à voix basses
On dit que le volcan hier s’est encore ébroué
Les savants ne sont pas d’accord mais la terre a tremblé


Sous des centaines de tentes verdâtres militaires on fait l’école et ça sent mauvais la toile chauffée
On a beau rouler les bords il fait trop chaud
Football pourtant aux terrasses fraîchement écorchées par les bulls jaune-orange et autre engins
Un homme vocifère juché sur un fût de pétrole
invectives incantations il s’en prend à la France pas moins
“Qui nous a pressurisés”
“Allons-nous longtemps rester des esclaves ?”


Attendant le bon vouloir du volcan de la Soufrière souvenons-nous de la Montagne Pelée mille neuf cent deux
vingt six mille morts un seul rescapé dans un cul de basse fosse










La mer Morte Sodome et Gomorrhe
La Basse-Terre évacuée c’est encore un coup de la
politique d’oppression
Les foules sont logées dans les écoles de la Grande-Terre on porte la soupe et le pain et des armoires ont été dressées entre les lits de camp
milliers de gens, milliers d’enfants poussant du pied des boîtes de conserve vides ou des ballons
Radios gueulant biguines serré-collé
Avez-vous vu mes gosses ? où sont-ils partis ?


Au soleil violences sourdes couvées la nuit
au petit matin éclatent couleurs et formes foisonnantes élancements et odeurs d’alcools de décollage
piments et fruits corail hirsute coupant crabes de terre et de mer langoustes cuirasses de guerre hallebardes poignards surcots de satin ou de brocart
médailles plaques ferrets émaux cabochons sable blond
coquilles mangroves à palétuviers-pieds-tors
héron noir héron blanc et le poisson -qui-grimpe-aux-branches
hibiscus rose-porcelaine simple ou double pervenche mille épées mille éclats bougainvillées








Basse-Terre la plus haute bien sûr
la plus humide
la plus verte
Maisons et baraques vides clopin-clopant posées sur quatre pierres de guingois parois ornées ou plaquées de fer-blanc de boîtes à biscuits découpées aplaties clouées
Grandes cases a toits multiples
balustres
jardins
bassins
fentes des persiennes
jet d’eau des chutes du Carbet
dans les bananiers l’allée des palmiers royaux trente mètres de haut et les cyclones !
La ville elle-même vide ses forteresses d’un autre âge et son port
rues tracées au cordeau et la Préfecture est vide aussi
la police assure la sécurité des biens
la Soufrière va-t-elle éclater ?
Mais c’est Pointe-à-Pitre capitale qui oppose son gargouillement et Petit-Bourg
Baie-Mahault
Sainte Rose et sa fontaine ornée de chérubins peints en vert-épinard on n’a pas encore évacué la Mairie hors de la zone de danger






Ailleurs à Vieux-Habitants à Gourberre et Trois-Rivières on a lâché le bétail dans la nature les vaches meuglent les pis trop gonflés












*








-” N’y va pas m’avait dit la Créole assise sur son mur écroulé du côté de La Rochelle
grande famille de colons ruinés
N’y va pas ma maison à Trois-Rières est termitée
Ma maison aux balustres de bois dans le parc il y a encore les bassins pour faire bouillir la mélasse


C’est trop tard !
Si tu savais autrefois !”


Mais cet homme au chapeau-nimbe couleur de paille
bras levés devant le ciel bleu
juché sur son fût vide au Morne-Rouge
incantations et tout cet or sur la mer


Quel bonheur d’être venu quand même !

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